Comment habiter ?

Les artistes sont des passeurs. Nous mettons en partage l’espace sensible.
Toutefois, dans un monde de pleine lumière visuelle où même nos intérieurs et les contenus de nos assiettes sont pris en photo et diffusés (après quelques efforts de composition et des retouches colorées) ;
quelles stratégies reste-t-il à notre disposition pour aménager des espaces intimes ou simplement
des espaces habitables ?
Il s’agit pour moi de répondre à une nécessité.
Pour être disponible à l’altérité, à la nouveauté, il est indispensable de se créer un camp de base protégé du regard d’autrui, d’où partir pour rencontrer et où revenir pour se retrouver avec soi. Indispensable, si l’on souhaite ne pas s’éparpiller puis disparaître dans ces multiples miroirs que sont les autres. Je parle ici de la nécessité de construire pour soi-même un espace intime propice à accueillir nos états de rêves, nos petites particularités comme nos
incohérences ; un espace qui reste secret et dont on partage des bribes durant nos rencontres.
Un espace qui nous laisse disponibles à l’observation et à la découverte.
Dans un monde très normalisé, où le nomadisme est la norme et où nous passons, pour la plupart d’entres nous,
de nombreuses heures dans ces non-lieux que sont les aéroports, centres administratifs, station de métro et antres de diverses franchises commerciales. Comment construire un espace à soi, ou comment développer des stratégies pour installer un point de confort et d’observation dans ces espaces normalisés ?

Dans mon travail il s’agit de trouver diverses stratégies de détournement ou d’installations éphémères pour habiter et occuper intimement les lieux. Par l’exposition, le vêtement et parfois par un travail de scène, je cherche à partager ces stratégies que j’ai développé.

Par exemple, nous pouvons occuper un espace en montant un camp de base, une cabane.
Pour cela, on y dispose diverses choses ou on y dessine à la craie. On constitue ainsi un nouvel espace dans l’espace.
Ou on peut s’y infiltrer, grâce à des objets que l’on détourne, grâce à des gestes, des comportements et du langage que l’on emprunte.
Ou on peut encore l’habiter grâce à un costume, ou des vêtements.
Grâce à lui, grâce à eux, devenus armures ou soutiens, on peut ainsi investir l’espace par le corps.